à propos





musicien, artiste et programmeur, issu des musiques électroniques et électroacoustiques, Valentin Durif vit et travaille à Lyon. ses projets proposent d’associer des univers physiques et concrets à ceux plus abstraits issus du monde électronique et informatique, en créant autant une immersion totale pour le spectateur, qu’une gestuelle musicale à la fois visuelle et cohérente, avec quelques clins d’oeils au cinéma et la littérature. il conçoit, fabrique et pratique ses propres instruments ou développe des dispositifs mécaniques et informatiques capables de jouer ses compositions. ses créations sont présentées sous la forme de concerts performances (Émincé d’oreilles) ou d’installations (Cliquetis). sa musique mélange l’electronica, le noise rock ou l’indus et une veine plus expérimentale de la création sonore.





Extrait d'ETC MEDIA N°105 (Revue Montréalaise d'Art Actuel), par Sophie Drouin, à propos de Space Junk:

Tributaire d’une certaine forme d’« art pauvre », l’usage d’objets banals permet non seulement de développer des sonorités inattendues, voire inusitées, mais aussi de gommer, dans la pratique musicale, la « distinction de nature moralisatrice entre sons purs et sons bruiteux qu’entretenait la musique depuis plusieurs siècles [...] ». Ainsi, les artistes musiciens ont développé des stratégies et des pratiques pour mettre en valeur ces sources sonores triviales de manière à la fois visuelle et sonore. Sans former un courant esthétique unifié, le travail produit dans cette optique révèle des prises de position variées, ludiques ou critiques, parfois subversives, qui traduisent à leur manière « les questions relatives au statut et à la fonction de l’objet dans notre société de consommation. » Une de ces pratiques consiste à réaliser ce que nous appellerons ici des « thétres d’objets », dont l’installation Space Junk du Lyonnais Valentin Durif est un exemple éclairant. [...]

Certes, si son travail se situe au carrefour du champ des musiques électroniques et électroacoustiques, et de celui de la nouvelle lutherie, il n’en demeure pas moins aussi l’exploration d’une thétralité des objets dans le contexte de l’installation. [...]

Durif ne manipule pas directement, ou si peu, ses nouveaux objets instruments; il exploite plutôt leur matérialité et leur forme distinctives pour y introduire les sonorités diffusées. Le matériau même des objets (bois, métal, plastique) couplé à l’ajout de petites pièces, des billes, par exemple, accentue structurellement les effets de transformation du son. Les objets colorent de leurs caractéristiques physiques la musique et les bruits qui en sortent. Durif met moins de l’avant les sons des objets quotidiens présentés que leur potentiel de transformation des sons qui les traversent. En cela, il n’est pas anodin que l’artiste ait choisi d’accrocher ses objets; c’est pour mieux leur permettre de vibrer. La mise en scène permet ici « d’engager la musique électroacoustique dans le monde matériel, unissant le faire, le voir et l’entendre6. » Avant même leur manipulation, les objets racontent déjà une histoire, réelle ou fictive, tout en demeurant ce qu’ils sont, en gardant, pour ainsi dire, leur part de réel. [...]

« les objets magnifient [...] l’important fait matériel au sein des compositions et forment un liant entre le corps du musicien, les idées qui habitent l’œuvre et le monde matériel. » Le musicien, tout comme le comédien du thétre d’objets, est ici un élément central qui affirme fortement sa présence; c’est lui qui active ses objets, détournés pour l’occasion en instruments, c’est lui qui les « charge ». Ainsi Durif envoie til les sons, parfois improvisés en direct, parfois déjà enregistrés, dans ses hautparleurs bricolés à travers un dispositif multicanal. En tant que protagoniste au sein d’un orchestre, chaque objet joue son rôle au gré des manipulations du chef. Leur disposition, savamment étudiée, crée un dynamisme amplifié par l’alternance entre moments improvisés et moments « composés », entre bruitisme et musicalité. [...]

En mettant en scène le quotidien, le banal, dans une installation sonore complexe, Valentin Durif réussit le pari de réunir le développement d’une vir tuosité associée à sa nouvelle lutherie avec le plaisir ludique que suscite le spectacle de la transformation d’objets communs en instruments de musique.